08h34, une demi-heure après l'heure d'ouverture de la Médiathèque. Mis à part l'absence manifeste du documentaliste, tout se passait bien. Par définition, cela voulait dire que personne n'était venu déranger le fragile écosystème de la bibliothèque : les furets dormaient dans les corbeilles à papiers, les livres zonaient bien tranquillement sur leurs … enfin là où ils étaient, et rien n'essayait de sortir des salles profondes. Tout allait bien dans le petit royaume de papier.

Soudainement, un cri de rage retentit des tréfonds de la bibliothèque. Puis il y eut un grand fracas de bois, ainsi que la chute d'un objet très lourd sur du parquet. Puis, aprés quelques secondes de silence, on entendit une voix rauque, lointaine et étouffée par les murs disant « Et Merde. »
Quelques instant plus tard, une trappe situé entre le rayon Chasse au dragon et le rayon Couture de filets s'ouvrit en claquant contre la section Drake. Une mains jeta une hache d'armes maculée d'un étrange liquide Mauve sur le coté. Puis le documentaliste s'extirpa de la trappe avec un grognement avant de s'assoir sur le bord. Il passa une main dans ses cheveux et entreprit d'essuyer l'encre violette de son visage avec sa manche. Il fouilla dans une étagère pour sortir une cigarette d'entre deux bouquin et tira son briquet de sa poche. Il activa la roue plusieurs fois, mais la pierre mouillée par l'encre ne produisait pas de flamme. Il regarda son briquet et soupira, avant de dire à l'attention de l'objet :
« C'est un coup d'état, c'est ça ? »
Sven se leva en rangeant son briquet dans sa poche. Il attrapa une lampe à abat-jour typiquement rococo posée en équilibre sur une table d'étude, brisa l'ampoule contre une étagère et alluma sa cigarette avec le filament incandescent avant de jeter le cadavre de l'objet dans la trappe. Il y eut un bruit de faïence brisée en bas, puis celui d'un embrasement et un cri ressemblant au crissement des pneu d'une voiture sur une route de verre couverte de sable. Sven regarda vers le bas, surprit par le cris, haussa les épaules en étouffant une petite expiration perplexe.
Il referma la trappe d'un coup de pied et tira un tapis dessus pour la dissimuler, puis il se dirigeat vers son bureau.

Quelques pas plus loin, il tourna les talons, récupéra sa hache, et se dirigea vers son bureau, hache sur l'épaule, en semant de petits nuages de fumée sur son chemin.

Sven, assit a son bureau, était en train de nettoyer son briquet. Sa hache était plantée dans une étagère derrière lui, sa cigarette était en train de se consumer lentement entre ses lèvres et son mug de vin chaud fumait paresseusement sur un micelle anglais du 14ème siècle.

Tout allait bien dans le petit royaume de papier.

Comme à son habitude l'ex militaire n'était pas en bonne entente avec son horloge interne, levée depuis six heures du matin maintenant, Lyn s'était d'abord livrée à sa dose habituelle de pompes avant de passer aux douches. Une fois encore l'on pouvait lire sur son visage cet air étrange mêlant agacement et ennui, de retour dans sa chambre, le fait de jeter un coup d’œil à la fenêtre la rendait encore plus boudeuse étant donné qu'il semblait pleuvoir des cordes.

La jeune demoiselle comme choix vestimentaire avait optée pour un débardeur, sa fameuse veste, son pantalon militaire et des bottes à talons montantes. Après une heure d'endurance silencieuse sous la pluie battante, l'ancienne soldat s'était rendue au gymnase afin de maintenir le cap de ses compétences à l'aide d'un sac de frappe.

La plupart des coups résonnaient dans l'enceinte toute entière mais Lyn ne s'en préoccupait guère car ça ne l'étonnerait pas qu'un peu de voir quelqu'un débarquer ici à cette heure ci. Une heure et demi plus tard, exténuée tout en s'appuyant sur ses cuisses, la tête braquée en direction du sol avec des gouttes de sueur perlant le long de ses joues, l'ex militaire, en entendant tout le raffut qui avait lieu au dehors non loin du gymnase, venait de comprendre que les premiers cours n'allaient pas tarder à débuter.

Il était temps pour elle d'aller errer dans les couloirs en sirotant un rafraîchissement tout en attendant que son premier cours de la journée démarre à 10H. Cependant cette fois ci Lyn n'avait pas en tête l'idée de patienter à rien faire, non, une autre pensée lui vint à l'esprit, et pourquoi pas aller bouquiner un peu en attendant ?

Certes elle n'en avait pas coutume mais ça changerait un peu justement, voilà donc ce qui expliqua pourquoi la pensionnaire se trouvait là, en face de la médiathèque, hésitante. Il faut dire que jusqu'à maintenant elle se contentait très bien de sa propre solitude, un peu méfiante des autres personnes peuplant ce pensionnat, et entrer la dedans certifierait à 99.9% qu'elle entrerait en contact direct avec quelqu'un du pensionnat justement.

Cela paraissait légèrement ridicule pour une fille ayant été confrontée à la mort plus d'une fois, après avoir inspiré un bon coup, l'ancienne soldat faisait irruption dans la salle et pour une surprise, c'était une surprise, du moins ce qu'elle y découvrait la laissait, sans voix. Il devait sans doute s'agir du bibliothécaire néanmoins sa.. nonchalance était surprenante.

Lyn s'approchait alors du bureau, le son de ses talons marquait bien ses pas et une fois en face de ce dernier, elle croisa les bras en jetant un regard hésitant au responsable de la médiathèque qui se trouvait derrière le bureau.

[La vache ! ces cernes sont encore plus béantes que les miennes...]

La demoiselle laissa s'entrouvrir ses lèvres pulpeuses et pailleter lorsque plusieurs détails attirèrent son attention, sa nature observatrice refaisant donc surface, l'ancienne soldat jetait à une vitesse assez prononcée, de rapides coups d’œils sur chacun des détails.

[Pourquoi est ce qu'il y'à une foutue hache plantée sur le mur... la texture du liquide sur la lame à l'air étrange et vu comment il y est répandu, ça ressemble bien à une giclée, de plus ça ne semble pas très sec donc ça ne doit pas faire très longtemps que c'est là, à en juger par l'orientation de l'arme, il y'à des chances pour que le type qui l'ai planté là, provienne de la direction opposé, j'ignore encore combien de personnes se trouvent ici, mais si la tache violette présente sur la manche de l'homme en face de moi correspond bien à celle de la hache, je crois savoir qui la tenait.]

La demoiselle tournait la tête un moment afin de vérifier la direction supposée plus tôt puis reprenait ses recherches mentales tout en zyeutant sa montre.

[Sa respiration à l'air stable, aucun signe d'un effort physique plutôt important, à moins qu'il n'ait été détendu par cette cigarette, ce qui.. justifierait peut être la présence de cette dernière puisqu'il est un peu trop tôt pour une clope, ou alors c'est un fumeur assez régulier, ce sont les deux seules possibilités, mais vu l'état de sa clope ça ne fait pas longtemps qu'il la consomme, ce qui privilégie donc ma première théorie, dans tout les cas.. il se passe quelque chose de louche ici, j'ferais mieux d'aller fouiner un peu plus dans les alentours..]

La demoiselle esquissait alors un mince sourire avant de laisser s'échapper

"Bonjour, je suis venue lire un peu le temps d'attendre l'heure d'aller en cours, si ça ne dérange pas bien sur..?"

Les talons de la jeune femme claquaient dans la salle principale de la médiathèque à défauts de pouvoir résonner, du fait de l'encombrement plus que significatif des murs. Elle s'approchait, seule et … bah non-accompagné,  du bureau du documentaliste avant de se planter devant, bras croisés, laissant courir son regard perçant sur l'homme, sa hache, ses faits et ses gestes. Elle y découvrit deux où trois éléments concernants le responsable de la bibliothèque, faisant preuve d'une capacité inductive plus que correcte.
Pour ce qui est de Sven, il continuait son nettoyage en s'embrumant peu-à-peu d'un petit nuage de fumée bleutée, ignorant la nouvelle arrivante de toutes la force de son reste de gueule de bois relativement aggravée par un combat récent contre un Shoggothoïde.

Cependant, quand la jeune fille lui adressa la parole, il ne pouvait pas vraiment continuer de faire semblant de toujours être seul. Il leva donc son regard vers le visage de la jeune femme, posant son briquet ainsi que son petit coton imbibé d'alcool sur la table afin d'attraper sa cigarette et sa tasse.
[C'est une bibliothèque hautement spécialisé abritant une grande partie de la connaissance humaine, pas un atelier lecture d'une médiathèque de campagne …]
Mais Sven ne suivit pas vraiment sa première impulsion. Il avait déjà eut une visite du Proviseur cette semaine, et il n'avait pas envie de devoir encore recalibrer ses capteurs énergétiques, sans parler du fait de subir une conversation aussi longue que rébarbative sur la soit-disant obligation pédagogique que sa présence dans le pensionnat impliquait.
Il répondit donc à la jeune femme de façon un peu artificielle, comme si il récitait un texte.
« La Bibliothèque est là pour ça jeune fille. »
Il prit une gorgé de vin chaud, puis une seconde et une troisième, puis reposa sa tasse et revint à son briquet. Il actionna la roulette qui produisit des étincelles, ce qui le fit sourire, il n'avait plus qu'à imbiber la ouate de produit inflammable, et c'était bon.
Il entama un mouvement pour aller chercher la bouteille d'eau de feu, puis s’immobilisa pour ajouter :
« Euh … Les salles de lecture sont par là bas, et les tables sont par là. Gaffe à la salle de lecture n°2, la porte est mal réglée. Si vous arrivez pas à ressortir, criez très fort. »

Il attrapa la bouteille et entreprit d'en verser la contenu dans son briquet. La porte de la salle de lecture n°2 était un des éléments qui motivaient Sven à éviter une venue du Proviseur dans sa bibliothèque. Les champs de projection poly-dimentionelle, dans le cas d'une grande concentration de vecteurs semi-planaires, pouvaient parfois entrer en résonnance et donc générer des interférences et des marges d'erreurs.